Je l'ai fait.

Je suis partie. Après tant et tant d'heures passées à contempler l'immensité de nos forêts glaciales depuis la cîme d'un arbre, la voix de Nature m'a convaincue de partir à la découverte de ses innombrables merveilles. Et depuis deux jours maintenant, j'observe les humains évoluer en tous sens au sein de ce clan qu'ils appellent "Trollesund". Mais il n'y a là nulle comparaison avec notre propre clan, encadré de la beauté éthérée et éternelle de la nature. Là, les constructions sont venues prendre le pas sur l'oeuvre de la nature et il ne règne nulle harmonie en ces lieux d'après ce que m'en a dit Aloïs qui se fait mes yeux et mes oreilles au milieu de ce capharnaüm dont je n'ose approcher. Il n'en reste pas moins quelque désapprobation dans sa voix mais quelque soit le soin avec lequel il la dissimulera, je ne pourrais passer à côté de l'exaltation qu'il ressent et fait si profondément écho à la mienne.

Il y a tant à découvrir des humains.. Les rumeurs et histoires à leur sujet étaient nombreuses au sein du clan. Combien de fois ai-je écouté les plus sages et les plus expérimentées de mes soeurs me parler de tout ce qu'elle avait vu et appris ? On les dit incapables de s'éloigner de leur daemon - enchaînés l'un à l'autre en quelque sorte. On dit aussi qu'ils ne peuvent résister aux violences de la Nature. N'ont-ils donc jamais la possibilité d'étendre les bras dans une bourrasque pour savourer la caresse du vent sur leur peau et le goût des flocons sur leur langue ? Que ce doit être triste... Mais il est une chose qui, plus que toute autre, m'intrigue énormément. Mes soeurs évoquent souvent, avec parfois une langueur dans la voix, ces "hommes", si différents de nous et qui sont pourtant nos pères. Et leurs descriptions parcellaires ne sauraient avoir étanché ma curiosité à cet égard.

Aujourd'hui pourtant, j'ai décidé de quitter le faîte de mon arbre pour approcher de plus près de ces étranges humains dont je comprends bien mal les moeurs. Aloïs a bien pris soin, au cours de ses incursions, de repérer le Consulat parmi ces si nombreuses habitations. L'idée de frayer dans la boue avec les humains n'est pas pour me séduire mais il semble, fort heureusement, que je n'aurais pas à m'engager trop avant parmi eux. Pas dès maintenant du moins. Doucement je descends de mon abri, retrouvant le contact doux de la neige épaisse qui recouvre ici le sol. Les voiles légers dont je suis vêtue claquent dans le vent du matin tandis que je m'élance à la suite de mon daemon jusqu'à l'orée du clan humain.