Sur sa branche de sapin, Silje plisse les yeux pour mieux apercevoir la silhouette blonde qui la devance. Bien sûr, si ça n'avait tenu qu'à elle, elle n'aurait au grand jamais quitté les limites de son clan, le monde extérieur lui fait bien trop peur ! Mais que répondre à une sœur (enfin, ce n'est pas vraiment sa sœur biologique, mais elle considère que toutes les sorcières de son clan font partie de sa famille) qui lui fait les yeux doux en lui disant qu'elle va aller à Trollesund et qu'elle voudrait être accompagnée ?
Lykke (c'est le nom de la sorcière précédemment citée), âgée d'à peine cinquante ans, est à la fois protectrice et cruelle envers Silje. Elle sait que Silje a peur, peur de tout, peur de rien, et elle s'amuse parfois à la faire culpabiliser, comme aujourd'hui en fait : Lykke lui a assuré que, s'il lui arrivait un accident, Silje en serait responsable puisqu'elle n'aurait pas voulu l'accompagner.
Presque tremblotante, mais pas de froid puisque les sorcières y sont habituées depuis leur naissance, Silje est donc montée sur sa branche de sapin, et a suivi sa sœur tout en essayant -sans succès- de la raisonner.

« Tu sais, il n'est pas trop tard pour rentrer. Regarde, on voit encore nos terres, on peut encore faire demi-tour ! »

Lykke lui a lancé un coup d'œil malicieux, avant d'accélérer. De peur de tomber, Silje s'est laissée distancer, jusqu'à ce que la blonde ne soit plus qu'une petite tache sombre au loin. Cependant, cela ne l'a pas empêché de la voir peu à peu descendre, jusqu'à la perdre complètement de vue après que la silhouette en question se soit mêlée à la masse des bâtiments et des personnes encore dehors à cette heure de la journée.
À son tour, Silje met pied à terre. Elle n'ose pas respirer trop fort, ni faire trop de bruit malgré sa brusque envie de faire un ramdam inimaginable (je ne sais pas si vous avez essayé, mais chanter aussi fort que l'on peut permet parfois d'éloigner les angoisses nocturnes). Elle se colle à un mur, écarquille les yeux le plus possible comme si cela allait lui permettre de voir plus de choses à la fois.
Par où commencer ses recherches ?
Actuellement, elle se sent trop tendue pour en vouloir à quiconque. Elle se mord la lèvre, sursaute lorsqu'un chien se met à aboyer un peu plus loin, rit nerveusement en constatant sa bêtise, puis se tait brusquement en se rendant compte que son rire fait du bruit.

Elle se sent vraiment stupide, mais ne se sent pas suffisamment à l'aise pour y changer quoi que ce soit. Elle finit par faire un pas en avant. Puis un autre, en se rendant compte que personne ne lui a encore sauté dessus -les quelques personnes traversant cette ruelle n'ont strictement aucun intérêt à faire attention à elle. Soudain, des bruits se font entendre, et Silje saute prestement en arrière : la présence du mur collé à son dos la rassure un peu -hm, quoi que.
Une jeune fille tourne à l'angle de la ruelle, et s'y engage en direction de Silje. Au moment où celle-ci passe devant la sorcière, Silje (comme elle seule sait si bien le faire) oublie instantanément son angoisse, pour se laisser complètement happer par une nouvelle émotion : la surprise.
Elle plisse donc à nouveau les yeux, de curiosité cette fois, et lui demande spontanément :

« On ne se serait pas déjà rencontrées ? » Elle se met à rire, un peu plus naturellement que la dernière fois, mais pas trop fort quand même. « On, non, bien sûr, c'est impossible, tu n'es pas une sorcière et c'est la première fois que je quitte les limites de notre territoire, donc c'est vraiment mais vraiment-vraiment impossible ! Pourtant, c'est comme si ton visage m'était familier... » Elle se tait un peu, avant de se souvenir d'une chose importante, la politesse : « Bonsoir. »

À ses côtés, Gavon attend patiemment.

« Sawyer ! Bon sang, Sawyer écoute-moi quand je te parle ?! » Cette dernière se retourne brusquement et dit sèchement à son daemon tout en lui lançant un regard noir : « Oui Arvëlon, je t’écoute ! Quoi, encore ? » Le daemon chouette se pose sur l’épaule de son humaine et lui dit dans un soupir las : « On devrait rentrer maintenant ! Si ta mère apprend que tu n’es plus dans le jardin cette ta tante, elle va nous tuer et je vais finir par… » Sawyer coupe l’élan d’Arvëlon d’un bref mouvement de main lui signifiant de se taire. Elle redresse la tête, les cinq sens en alertes ; mais le bruit qu’elle a entendu est insignifiant. Elle relâche donc les épaules, tourne la tête vers son daemon et enfonce sa tête dans ses plumes blanches avant de lui dire : « Je visite juste ! Nous ne passons que très rarement à Trollesund et les rares fois où nous venons, c’est toujours pour voir tante Abigaël... Tu ne vas pas me dire qu’après les heures de voyage qu’on a pu faire, je n’ai pas le droit de me balader un peu quand même ? Et puis, elles ne s’en apercevront même pas ! Le jardin est tellement grand qu’elles peuvent très bien penser que je suis à l’autre bout du parc ! » Arvëlon frotte à son tour sa tête contre celle de sa jeune humaine et ajoute : « j’espère que tu as raison… au premier bruit suspect on rentre, d’accord ? » À ce genre de question, Sawyer ne préfère pas répondre ! Elle est dans une (petite) ville inconnue, elle en profite ! Elle passe de ruelles en ruelles, observe les maisonnettes en bois qui bordent le port et renifle les odeurs de poissons grillés qui affluent des maisons.

Quand, à un moment, elle tourne à l’angle d’une ruelle ; elle aperçoit une jeune fille qui la regarde avec surprise. Au début ni Sawyer, ni Arvëlon ne comprennent pourquoi mais c’est quand cette dernière lui dit spontanément ce qu’elle a à lui dire, qu’elle comprend : « On ne se serait pas déjà rencontrées ? » L’inconnue se met à rire légèrement avant de reprendre : « On, non, bien sûr, c'est impossible, tu n'es pas une sorcière et c'est la première fois que je quitte les limites de notre territoire, donc c'est vraiment mais vraiment vraiment impossible ! Pourtant, c'est comme si ton visage m'était familier... » Elle laisse passer un long blanc avant d’ajoutée un : « Bonsoir. » Sawyer ne sait pas comment réagir. Le daemon de la jeune sorcière attend patiemment à ses côtés tandis qu’Arvëlon s’agite nerveusement. Lui a la moindre approche extérieure, il frisonne ! Mais ce n’est pas la chose la plus grave dans cette histoire ; la jeune fille a raison : elles ne se sont jamais vues (sinon Sawyer s’en serait souvenue) mais son visage lui est familier… Sawyer se risque à dire : « Bonsoir, je me prénomme Sawyer Corbin-Hartmann et toi? hum... je suis d’accord avec toi, ton visage aussi m’est familier… N’aurais tu pas de la famille vers Oxford ? » Mais c’est en regardant son reflet dans la vitre d’une fenêtre qu’elle commença (très légèrement) à comprendre la raison de leur sentiment de déjà vu…

N'importe quel observateur extérieur peut le constater, la situation n'a rien d'habituel, les deux filles s'observent, s'interrogent; et, objectivement parlant, il aurait été plus prudent de faire vivre cette situation à une personne plus subtile et diplomate que Silje. Gavon n'est pas en reste, lui non plus : il tend le cou afin de mieux apercevoir les ailes immaculées du daemon harfang de l'inconnue. Lui qui d'habitude a un comportement on-ne-peut plus snob envers les autres ne peut également s'empêcher de manifester son étonnement.

« Bonsoir, je me prénomme Sawyer Corbin-Hartmann et toi? hum... je suis d’accord avec toi, ton visage aussi m’est familier… N’aurais tu pas de la famille vers Oxford ? »

Silje sourit poliment, le temps que la question arrive à son cerveau. Puis elle ouvre de grands yeux effrayés avant de se mettre à balbutier :

« Ox-x-x.. ..xford ? Oulah, oulah... » Elle rit nerveusement, sa respiration s'accélère et son visage (nez compris) devient tout rouge. Car, si elle a écouté l'ensemble des questions posées par Sawyer, elle n'en retient pourtant que le dernier mot. « Quelle horr- » -elle déglutit- « -horreur. Je vis à Visha, qu'est-ce que je pourrais bien aller faire aussi loin ? » Oui, après tout, ce n'est qu'une idée, et à présent que Silje se rend compte que cette idée ne sera jamais réalisée, elle souffle de soulagement. Elle s'est fait peur toute seule, encore une fois, mais la peur d'il y a quelques minutes l'empêche pour l'instant de tourner son angoisse en ridicule. « Tout mon camp vit près du lac. Et puis, ce serait carrément bizarre qu'on vive dans une ville, tu ne trouves pas ? Déjà qu'ici, avec la pollution et tout et tout, j'ai l'impression de moins sentir le picotement des étoiles, alors je ne te dis pas là-bas ! »

Voilà, ça, c'est aussi du Silje tout craché : un instant avant, elle s'est fait la trouille de sa vie, et la seconde suivante elle se remet à parler avec Sawyer comme si elles étaient de vieilles amies d'enfance qui se retrouvaient au hasard d'une allée. Et puis, soudain, Silje se souvient aussi qu'elle n'est pas ici pour taper la discussion avec une étrangère, même si à vrai dire son impulsion première serait d'essayer d'en apprendre un peu plus sur elle -mais de retrouver Lykke.

Elle regarde à nouveau la jeune fille, Sawyer n'a pas l'air d'être de beaucoup plus âgée qu'elle, et se mordille la lèvre en lui demandant timidement :

« Dis... euh... est-ce que tu connaîtrais un peu les alentours ? Parce qu'il y a cette fille, Lykke -elle est du genre casse-cou-, et elle a décidé de venir à Trollesund. Et moi, comme je te le disais tout à l'heure, benh, je connais pas trop, et quand je connais pas trop, ça me fait un peu peur. Tu as un nom à rallonge dis-donc ! »

Et Silje lui sourit, toute réserve disparue, parce qu'il est dur de s'en vouloir et de ne pas se faire confiance à soi-même (même si soi-même est une autre fille au nom de famille hyper long et à la chouette harfang perchée sur l'épaule).
Bref, Silje a une mémoire de poisson.

Excuse moi du retard que j'ai

La jeune fille en face de Sawyer sourit un long moment avant d'ouvrir grand les yeux et de dire : « Ox-x-x.. ..xford ? Oulah, oulah... » Elle se met a rire nerveusement ce qui laisse le temps a sawyer de se remémorer ce qu'avait dit la jeune fille : "tu n'es pas une sorcière et c'est la première fois que je quitte les limites de notre territoire". Sawyer a beau être très lucide, elle a pris cette information à la légère alors que... la jeune fille en face d'elle ; c'est une sorcière quoi ! C'est la première fois qu'elle en rencontre une à vraie dire. Mais elle suppose qu'elle n'ont pas toutes le caractère de celle-ci.

« Quelle horr- » -elle déglutit- « -horreur. Je vis à Visha, qu'est-ce que je pourrais bien aller faire aussi loin ? » Oui, après tout, Sawyer se dit qu'elle a posée sa question un peu vite mais elle n'y connais rien au mode de vie des sorcière (enfin, elle n'écoute pas en classe quand ses professeurs parlent de ces derniéres.) « Tout mon camp vit près du lac. Et puis, ce serait carrément bizarre qu'on vive dans une ville, tu ne trouves pas ? Déjà qu'ici, avec la pollution et tout et tout, j'ai l'impression de moins sentir le picotement des étoiles, alors je ne te dis pas là-bas ! » Sawyer trouve le caractère de la jeune fille disons... étrange. De plus elle ne connais même pas son prénom ! bref, la jeune sorcière l'intrigue d'autant plus par son physique que par son caractère. Elle ressemble presque à Sawyer avec un ou deux ans en moins ; et je vous l'assure, c'est étrange de parler à son double.

« Dis... euh... est-ce que tu connaîtrais un peu les alentours ? Parce qu'il y a cette fille, Lykke -elle est du genre casse-cou-, et elle a décidé de venir à Trollesund. Et moi, comme je te le disais tout à l'heure, benh, je connais pas trop, et quand je connais pas trop, ça me fait un peu peur. Tu as un nom à rallonge dis-donc ! » Sawyer lâche un léger petit rire avant de dire : « Non, je suis désolée, je connais pas mieux que toi ! Et excuse moi pour Oxford, je connais pas grand chose à votre mode de vie, vous les sorcières ! Je peux t'aider à chercher Lykke, si tu veux ? mais dit moi ton prénom pour commencer ! Sinon oui, j'ai effectivement un long nom.» Arvëlon s'agite.

« Dis... euh... Sawyer ? C'est quoi cette manie de faire confiance aux inconnus ? Si ça se trouve c'est une tueuse ! » Sawyer ouvre grand les yeux et fusille son daemon du regard : « Mais t'es pas bien toi, hein ! Tu trouve vraiment qu'elle a l'air de nous vouloir du mal ? Je peux quand même parler et aider dans gens sans qu'ils veuillent me tuer, non ? » Sawyer passe sa main dans les plumes de son daemon pour le rassurer ; un daemon paranoïaque et psycho-rigide, c'est pas facile tous les jours de vivre avec !

« Oh oui, bien sûr, excuse-moi, qu'elle idiote je fais, je ne me suis même pas présentée ! Je m'appelle Silje, du clan Visha. Le truc, c'est que comme je suis la plus jeune sorcière de mon clan, tout le monde me connait depuis ma naissance, sait toutes les bêtises que j'ai faites, et finalement j'ai tendance à oublier qu'en dehors de mon clan personne ne me connait. »
Silje lui sourit poliment, pour s'excuser, et passe une main dans son cou, pour se rassurer. En plus, la jeune fille lui a proposé son aide, alors ce ne serait pas très gentil de ne pas accepter de lui révéler quelque chose d'aussi banal qu'un prénom. Notez par ailleurs que le nom de famille ne vient pas spontanément à notre petite sorcière : c'est le nom de son clan qui la définit, et non pas le fait que sa mère lui ait transmis à sa naissance le nom de famille des Dalgaard.

« Lykke est très indépendante, surtout depuis qu'elle s'est séparée de son daemon et que les anciennes l'invitent régulièrement à participer à leurs excursions. C'est un peu mon contraire, finalement, mais on s'aime beaucoup toutes les deux », reprend-elle tranquillement, car elle vient de finir d'apaiser ses craintes. Pour l'instant, elles sont seules avec leur daemon dans la ruelle, et Sawyer a un air gentil qui donne envie à Silje de lui faire confiance. Bien sûr, elle n'exclut pas un éventuel rebondissement de l'intrigue, et -de fait- se tient prête à toute éventualité. Cependant, au vu de la raideur précédente de ses membres, et à son attitude présente, on peut raisonnablement avancer le fait que Silje se sent assez en confiance. Ce sera bien sûr une autre paire de manches lorsqu'il faudra se mettre à avancer, se diriger vers l'inconnu; mais, pour l'instant, la narratrice que je suis est fière de son personnage, qui adopte une philosophie de vie très intéressante, celle du : un pas à la fois.

« Dis... euh... Sawyer ? C'est quoi cette manie de faire confiance aux inconnus ? Si ça se trouve c'est une tueuse !
- Mais t'es pas bien toi, hein ! Tu trouve vraiment qu'elle a l'air de nous vouloir du mal ? Je peux quand même parler et aider dans gens sans qu'ils veuillent me tuer, non ? »

Et alors... alors, Gavon, le daemon canard de Silje, ouvre la première fois le bec. Il tourne un regard rigide vers Arvëlon, et réplique doucereusement à son intention (malgré le fait qu'il feigne de parler à l'humaine à laquelle il est relié) :
« C'est vrai ça, Silje. Et si nous étions deux tueurs psychopathes échappés de l'asile ? Tu savais toi, d'ailleurs, que depuis que le psychopathe Yurgen s'était échappé de l'asile de Londres et avait fait quarante victimes avant d'être rattrapé, les autorités avaient décidé de déplacer toutes les cliniques de ce genre dans le nord, là où il y avait moins d'innocentes victimes ? On dit même que Yurgen aurait été enfermé près de Trollesund... »

Silje frissonne. Elle sait que c'est faux, tout simplement parce qu'elle sait quand son daemon ment (ils sont complémentaires, elle ne pourrait jamais se passer de lui, et elle sait actuellement ce qui est en train de se passer dans sa petite tête : il veut simplement se moquer de la frayeur du daemon de Sawyer, tout comme il se moque parfois (mais moins cruellement) de ses frayeurs à elle.
Silje, d'ailleurs, lui aurait bien demandé de se taire et d'arrêter ses bêtises, mais les histoires à dormir debout de Gavon lui ont fait penser que Lykke pouvait être en danger. Oh, pas forcément par la faute d'un tueur psychopathe. Quoi que...
Et ça, c'est une raison suffisamment suffisante pour tenir ses propres peurs éloignées, et avancer un peu. Parce que pour Silje, son clan est tout ce qu'elle a, et s'il arrivait quelque chose à Lykke alors qu'elle aurait pu l'aider, elle ne se le pardonnerait jamais.