C'est encore Arté. J'ai toujours le même âge, et je suis toujours admin -sauf coup d'État dont je ne serais pas au courant.

Assise sur le fauteuil du maire, les bras sur les accoudoirs, la petite essaie de rester digne alors que son monde s'effondre. Elle savait que ça viendrait. De toute façon, il ne pouvait pas en être autrement. Ses parents avaient disparu. Mercuzio avait disparu. Et maintenant, Salvatore avait disparu. Reniflant et ravalant ses larmes, Divina tentait de ne pas montrer que l'annonce qu'on venait de lui faire lui avait enlevé toute joie. Salvatore était parti. Il avait été attaqué par un spectre. Il ne serait plus là pour calmer ses cauchemars.

Anatoli avait dû sentir qu'elle était à deux doigts de pleurer, puisqu'il fit signe aux autres de quitter le bureau du Maire. Il s'approcha lentement de Divina. Posant ses mains sur les épaules de la petite, il plia les genoux pour être à la hauteur de la petite.
« Ça va aller, poussin. »
Divina se met à renifler de plus en plus fort… et puis à chouiner… et la voilà qui sanglote désormais, serrée dans les bras d'Anatoli qui aurait bien envie de lâcher des jurons bien senti, mais qui ne peut pas parce qu'on ne jure pas devant une gamine de huit ans qui imite pratiquement tout ce que font ses ainés, ou presque. Tout était tombé autour d'elle. Tout ou presque. Anatoli restait, mais il ne durerait pas longtemps, hélas. Il avait treize ans. Elle en avait huit. Devant elle, encore au moins cinq ans pour trouver un moyen de s'en sortir. Lui, il fallait qu'il s'en aille.

Et puis il la prit dans ses bras et la força à lui céder la place sur le fauteuil du maire. Assise sur les genoux du meilleur ami de son frère, serrée contre lui, elle se calmait, lentement, toujours en sanglotant un peu. Et Anatoli finit par lui proposer de lui raconter une histoire merveilleuse. Il était une fois dans une ville pas si loin que ça de la nôtre, une tour immense où des hommes vieux et un peu fous avaient forgé une lame magique. Cette lame fabuleuse, forgée d'eux-seuls-savaient-quoi, avait le pouvoir de chasser tous les cauchemars, tous les fantômes, et tous les monstres invisibles qui menaçaient les enfants lorsqu'ils grandissaient. Mieux encore, cette lame pouvait ouvrir des fenêtres dans le vide, et permettait ainsi que passer d'un monde à l'autre. Il avait l'air de vouloir encore raconter plein de choses sur cette lame imaginaire, mais on tambourina à la porte comme un forcené et entra alors, fébrile, un gamin des Enfants Perdus qui avait les yeux brillants.

« LES CHAPARDEURS !
- Quoi les Chapardeurs ?, demanda Anatoli, plus vif que Divina qui se remettait de ses émotions encore.
- J'suis allé dans les égouts parce que, bref, il fallait que j'y aille… et puis j'ai entendu deux de la bande au Ratto, et… Et ben ils ont une porte de sortie !
- Hein ?
- Comme dans le conte ! »

Divina avait bondi. Elle avait compris ce que son éclaireur voulait dire sans qu'il ait réussi à le dire. Et elle avait les yeux brillants elle aussi rien qu'à cette idée. Ils allaient pouvoir s'en aller. Quelqu'un avait la lame magique, ou bien la fenêtre était ouverte et…

« ANATOLI ! »

Elle venait d'hurler de sa voix stridente alors qu'Anatoli était juste derrière elle.
Elle avait eu une idée.

Mais d'abord, il fallait qu'elle mange.