Je m'appelle Clara-Belle, mais on me connait généralement sous le pseudo de Juice. Dans la vraie vie, j'ai 20 ans (bientôt 21!) et je suis en Master 1 de Médiation du Livre (oui c'est normal que vous ne connaissiez pas, il vient d'être créé de cette année). J'ai fait une Licence de Lettres Modernes auparavant, autant dire que j'aime lire et encore plus écrire. C'est pas loin de la boulimie, mais je me soigne. Je suis une fan de cinéma et de séries anglaises, que je dévore à longueur de journée (quand je vous dis que je suis vorace !). Sinon, j'aime les boissons lactées et le Chavroux ! Et je vous aime déjà

Avant...

Je sortais de la salle de conférences du Jordan College. Je venais d'écouter depuis trois heures un homme du Magisterium dévoiler son baratin habituel sur le rôle de l’Église dans notre société. Pour moi, cela avait été ennuyeux, j'avais déjà tout lu dans les livres disponibles à la bibliothèque. D'ailleurs j'avais un livre à rendre, livre que j'avais eu le temps de finir pendant la conférence. Je savais que j'aurais dû être attentif, il n'est pas bon d'ignorer les hommes du Magisterium et surtout les érudits. J'en avais rencontré plusieurs dans ma vie et même si j'avais fait bonne figure devant eux, je les avais toujours trouvé imbus de leur personne. Je préférais apprendre par moi-même ou par mes professeurs en qui j'avais d'avantage confiance. Bien entendu, mon opinion prohibée, personne ne la savait à part Moïra. Sortant de l'immense salle, elle me suivait en volant au dessus de moi. « Tu n'as pas été sérieux Edmund. L'homme à la montre d'or nous a regardé étrangement pendant toute la conférence » me dit-elle de sa petite voix suave et aiguë. Je souriais en coin et traversais le couloir d'un pas décidé. Ma daemon pouvait ressembler à ma mère par moment. Toujours à me donner des leçons et à s'inquiéter pour moi. Elle était beaucoup plus raisonnable que moi. « Parce que tu as trouvé cela passionnant toi ? » lui demandais-je de façon rhétorique. Je me retournais pour la regarder. Elle se mit à roucouler comme pour me dire que j'exagérais, ce qui me fit à nouveau sourire. Finalement, elle vînt se poser sur mon épaule et je venais lui chatouiller le cou en signe d'affection. « Je voulais éviter de perdre mon temps, c'est tout. Je dois présenter ma thèse dans un mois je te rappelle, je n'ai plus de temps à perdre » lui dis-je tandis que j'entrais dans la bibliothèque du Jordan College. Je passais sous la voûte peinte et je fus bientôt illuminé par la lumière chaude du grand lustre. La bibliothèque était certainement mon endroit préféré du Jordan College. C'était l'endroit ou les grands esprits se rencontraient (ou presque). Oui je sais, j'ai l'habitude de beaucoup rire, mais malgré tout je suis un garçon sérieux, trop sérieux pour certain et trop sûr de lui pour d'autre. Moïra, elle sait qui je suis. Je suis simplement passionné et curieux. Je m'avançais donc vers le bureau d'accueil et déposais l'ouvrage que j'avais entre les mains sur le comptoir en bois. Croisant le regard du bibliothécaire, je le saluais dans un sourire. « Vous en avez d'autres sur les daemons oiseaux ? » demandais-je en affichant une mine de petit garçon. J'entendis Moïra me murmurer à l'oreille que j'avais assez lu pour la journée, mais je n'y prêtais pas attention et donnais un petit coup d'épaule. « Au rayon "sorcières" vous devriez trouver votre bonheur Edmund » me répondit le bibliothécaire en me montrant une allée d'un signe de la main. « Merci ! » répondis-je poliment en faisant demi-tour sur moi-même. Je me dirigeais vers l'allée qu'il m'avait montré et m'engouffrais à l'intérieur. C'était bientôt le week-end et même si, comme l'avait suggéré Moïra, j'avais déjà bien trop lu pour la journée ou même la semaine, je ne voulais pas passer mes soirées sans ouvrir un livre jaunis. Je parcourais alors le rayon "sorcières" en inspectant les livres qui se trouvaient à ma vue, tandis que Moïra volait pour regarder les livres situés en hauteur. Après plusieurs minutes de recherche, je finissais par trouver un livre doré sur les grandes reines sorcières de ses derniers siècles. Je faisais noter le livre sur les registres de la bibliothèque, puis sortais du temple du livre. Mon livre sous le bras, je quittais l'intérieur ambiant des bâtiments pour marcher un peu sous les arches qui faisaient le tour de la cour intérieure. Il faisait bon dehors et le soleil se couchait. J'allais passer la grille pour rejoindre l'internat, quand je fus aveugler par un intense rayon de soleil. Un vive secousse me parcouru le corps, ce qui me fit immédiatement paniquer. Je regardais autour de moi et cherchais Moïra du regard. Je ne la voyais pas. « Moïra ! » appelais-je alarmé. J'avançais de quelques pas en mettant ma main devant mon visage pour me protéger de la lumière du soleil. Je ressentis soudain une nouvelle secousse et la lumière faiblit. C'était comme si la nuit était tombée tout à coup. J'entendis un vrombissement qui me fit sursauter et je fis volte-face sur une drôle de voiture. Elle faisait un bruit d'enfer, elle était très basse et il n'y avait pas de générateur d'énergie à l'avant. Pourtant elle avançait sur le gravier sur ses grosses et immondes roues noires. « Edmund ! » s'écria Moïra. Elle venait de fondre sur moi pour se blottir contre mon torse. J'enserrais mes bras autour d'elle et la tenais dans mes mains pour la protéger. Elle battait des ailes, tout aussi affolée que moi. Je regardais les murs du Collège, mais sans arriver à les reconnaître. L'architecture était la même pourtant, mais les choses semblaient différentes. C'était comme si tout avait vieilli d'un coup et s'était dénaturé. « Edmund, tu l'as senti ? Tu l'as senti toi aussi ? » demanda Moïra en cognant sa tête contre mon torse. « Oui, oui » répondis-je en la lovant dans mon cou. Mon regard était fixé sur le bâtiment, je le regardais dans tout les détails, comme si je guettais un fantôme. « Où est-ce qu'on est Edmund ? Ce n'est pas le Jordan College » me dit-elle avec la plus grande des inquiétudes. Me mettant soudain trembler, je commençais à caresser ses plumes pour la réconforter. « Je ne sais pas Moïra, je ne sais pas... » bafouillais-je à voix basse alors que la pluie se mettait à tomber.

Après...

Je marchais sur la corniche de pierre qui bordait l'escalier extérieur du College. Mettant un pied devant l'autre comme un funambule sur un fil, je regardais les croquis dessinés à l'encre sur le manuel que j'avais entre les mains. « Americana Exotica. C'est un papillon très rare. Il paraît que Darwin en était obsédé » déclarais-je en regardant l'aquarelle peinte sur le livre. Je caressais le dessin du bout des doigts plus fasciné que jamais. Depuis dix ans que j'étais dans ce monde, je n'avais pas encore fait le tour des merveilles qu'il refermait. Arrivé au bout de l'escalier, je relevais les yeux pour scruter l'horizon en plissant les yeux. Mon regard s'arrêta sur les grands arbres verdoyants du parc. « Tu crois qu'ils en ont un au Museum d'Histoire Naturelle ? » demandais-je dubitatif, alors que j'entendais un petit sifflement à mon oreille. Posée sur mon épaule, Moïra laissait reposer son cou contre le mien. Depuis le début de l'automne, elle avait perdu quelques plumes et dormait beaucoup les jours de pluie. Je la taquinais toujours autant, même si elle ne me répondait plus comme avant. « Edmund ? » entendis-je soudain en dessous de moi. Je baissais les yeux pour reconnaître Louise, mon épouse. « Trésor, descends d'ici tu vas te faire mal » me dit-elle en me voyant percher en haut de ma corniche. Elle était tellement soucieuse, cela me faisait sourire. Je revenais quelques pas en arrière pour rattraper le début de l'escalier et sautais finalement sur les marches pour allez la rejoindre en bas. « Chérie regarde une élève m'a donné ce livre aujourd'hui, il est fantastique ! » déclarais-je d'un ton enjoué en lui montrant la page à laquelle j'étais ouvert. Louise prit l'ouvrage entre ses mains pour en inspecter le contenu, puis le retourna pour regarder la couverture. « Les Animaux Légendaires ? » lu-t-elle en fronçant les sourcils. Je lui reprenais le livre des mains et tournais les pages avec envie. Je le lisais depuis le début de l'après-midi et je n'en finissais pas de m'émerveiller. « Oui, ça parle de toutes les créatures incroyables présentes sur la surface du globe. D'ailleurs, je veux qu'on aille en Écosse pour les vacances prochaines, je veux absolument voir cette Nessie de mes propres yeux » lui dis-je avec le plus grand des enthousiasmes. Il y avait longtemps que je n'avais pas trouvé quelque chose d'intéressant. J'entendis Louise soupirer et je relevais immédiatement les yeux vers elle. Elle avait ce même regard plein de désespoir que depuis quelques mois. Elle me sourit timidement et leva les mains pour enlacer mon cou. Je me reculais de peur qu'elle ne touche Moïra. « Attention à elle » lui dis-je en perdant tout à coup mon sourire. J'avais porté instinctivement ma main sur le plumage de Moïra comme pour la protéger. Je savais que Louise ne voulait pas lui faire de mal, mais on ne touche pas un daemon qui n'est pas le sien. « Trésor, ce livre présente des créatures qui n'existent pas. Ce sont des légendes, c'est-à-dire des histoires imaginées » me dit-elle en refermant le livre qui se trouvait entre mes mains. Je connaissais les légendes, les prophéties, j'avais lu des tas de choses dessus au Jordan College. Je savais que tout était réel. Louise se mit sur la pointe des pieds et déposa un baiser sur mes lèvres. Je n'y répondis pas. « Je veux bien partir pour les vacances, mais dans un endroit où tu pourras te reposer » me dit-elle d'une voix redevenue plus chaleureuse. Je resserrais mes mains autour du livre et le collais contre ma poitrine. Depuis quelques temps, elle ne comprenait plus ma façon d'être m'avait-elle dit. Je ne dormais pas beaucoup, je passais mon temps à parler à Moïra, à donner mes cours et garder la tête plonger dans les livres. Je ne voyais rien d'anormal dans cela. Me trouver dans un monde sans daemon, ça c'était étrange pour moi. Un léger roucoulement de Moïra me fit sortir de mes pensées. Quelle heure était-il ? Je regardais ma montre et faisais la moue. J'allais être en retard pour mon cours de seize heures. Je portais mes doigts à mes lèvres pour me ronger les ongles et me dégageais par la même occasion de Louise. « J'ai des cours à donner. Je t'aime » lui dis-je en gardant mon regard fixé sur le sol. Je faisais demi-tour puis me ravisais pour embrasser la joue de mon épouse à la sauvette. Je prenais ensuite la fuite d'un pas décidé. Au dessus de moi, le ciel s'assombrissait.