MOI CEY FRED/deadpool ♥ Je suis admin ici, comme c'est beau, Québécoise, j'ai 21 ans, je vais sûrement squatter ici trop souvent et au détriment de mes travaux et études et amouroux et vie sociale et famille, je vous aime !

« Don Delavega. C'est une surprise. » Dans la voix de la Donna Cortez, une pointe de malice qui fit sourire légèrement Santiago, avant qu'il ne reprenne son habituel faciès neutre. C'est vrai qu'il était rare que l'homme revienne dans son propre monde, et dès qu'il était arrivé, il était évidemment que son seul désir était de repartir vers ces contrées qui avaient ravi plusieurs de leurs semblables. Comment leur en vouloir ? La vie ici n'avait rien de simple et les originalités semblaient être choses courantes, dans cet Hiver Perpétuel, comme il l'appelait. Elle se leva de son trône sans faire plus d'histoires et alla se placer devant lui, qui s'agenouilla en signe de respect. Une chose était bien certaine : ces années hors de leur monde n'avaient pas entachées les manières toujours exemplaires de son sujet – et pourtant, si elle savait vraiment, elle serait moins admirative. Un signe de main, discret, et Santiago se releva, levant enfin le menton et confrontant le regard de la Reine d'Espagne. Leur monarchie était plus respectueuse et mieux ordonnée que celle des grandes personnes, mais il ne fallait pas enlever aux gallivespiens ce qu'ils étaient : des êtres fiers qui ne baissaient le regard que pour mieux le relever, pour mieux défier. La voix basse, parcourue de cet accent chaud qui tirait désormais un peu sur l'anglais sans pourtant délaisser l'espagnol, de l'espion fendit le tout nouveau silence qui s'était installé entre lui et sa souveraine : « C'est toujours un honneur de pouvoir vous rencontrer, votre Majesté. Il faut dire que chacune de ces rencontres est une curiosité, Don. Je dirais même que tout le plaisir est pour moi. Préférez-vous que nous discutions ici, ou vous préféreriez un endroit plus tranquille ? Vous me connaissez, je suis un homme de discrétion. C'est tout à votre honneur. Suivez-moi. »

N'importe qui aurait pu penser à quelque chose de plus tendancieux. N'importe quelle grande personne, en fait. Des esprits mal tournés, pervers, vicieux, qui voyaient la décadence partout. Pourtant, alors qu'ils cheminaient jusque dans les recoins les plus déserts de la demeure royale, Santiago surprit son esprit et ses yeux à vagabonder autour du mouvement des hanches délicates d'Esperanza. Gêné par ses propres pensées, fort peu appropriées pour un homme de son rang envers une dame du sien, il détourna le regard et fut bien heureux lorsqu'ils arrivèrent à destination. Il connaissait cette pièce pour y avoir été à quelques reprises. Un boudoir silencieux, aux murs d'un rouge incendiaire, tapageur, mais dont l'isolation garantissait une discrétion à toute épreuve. Exactement ce qu'il leur fallait. Les gallivespiens entrèrent dans la pièce et Santiago referma la porte derrière eux, sans la verrouiller toutefois. Ici, pas de gardes, pas de majordome, personne pour entendre leur conversation en faisant mine de servir la reine. Lorsqu'il se retourna, la dame était assise dans un fauteuil et lui faisait signe de prendre place dans celui en face du sien. À vrai dire, il aurait préféré rester debout, mais il aurait été fort impoli de refuser. Dès qu'il s'assit, son dos protesta faiblement. Il avait de mal en plus mal au dos et à certaines de ses articulations – normal, à son âge. Il n'était plus de la toute première jeunesse et devant sa reine, âgée de quatre ans de moins que lui, il se sentait encore plus vieux. Sans doute elle aussi percevait-elle cela. Oh, il ne paraissait pas âgé. Leur race n'avait pas le temps de vieillir, de se rider. C'était peut-être tout de même ce hâle permanent qui vieillissait son visage, cette barbe que jamais il n'aurait conservée en restant dans le Cinquecento, ces rides de peur et de voyage qui marquaient légèrement les coins de ses yeux sombres, cette façon de se déplacer qui trahissait parfois des douleurs non exprimées, cette fatigue qui s'accumulait doucement dans le corps et l'esprit de ce Gallivespien qui avait toujours été solide et frondeur. Un Bosque jusqu'au fond de toute son âme, un enfant des forêts forcé de quitter ses terres.
La Donna versa une coupe de vin à l'homme et en prit une elle-même. « À l'honneur. » Un signe de tête. « À l'honneur. » Une gorgée, puis il posa la coupe sur le guéridon à côté de son fauteuil. « La parole est à vous. » Une inspiration et il fouilla dans sa mémoire pour bien raviver tous ses souvenirs. « Vous avez peut-être le souvenir que je siège dans un conseil plutôt particulier visant à interrompre la course du Porteur de Poignard. Au vu et au su des dernières activités de ce dernier, nous avons tenu réunion et décidé de confier l'Orbe aux sorcières pour que celles-ci puissent le cacher, bien qu'elles ne soient qu'un intermédiaire supplémentaire. Il serait en effet risqué que le Porteur ait en sa possession cet artefact. Il prit une pause pour boire une gorgée de vin. Nous savions déjà que le Magisterium appuyait les agissements du Porteur, ainsi que tous les organes liés à l'Église, et nous savons également que celui-ci recrute de plus en plus de fidèles dans les autres mondes. Le nôtre avait encore été relativement épargné, mais avec l'apparition de cette nouvelle fenêtre, par laquelle je suis passé, nous craignons qu'il réussisse à atteindre la papauté et donc l'Empereur Guillermo lui-même par la suite. » Le beau visage de la reine prit une expression courroucée. Ils avaient déjà parlé de tout cela, mais se faire confirmer que l'Église avait bel et bien des tentacules dans tous les mondes n'était jamais une bonne chose. Surtout pas quand on est un gallivespien. « J'ai donc profité de la première occasion pour venir vous faire part de ces avancées, en espérant que la fenêtre ne soit point fermée lorsque je tenterai de partir. Le Porteur sait qu'on le suit, donc il risque de ne plus en ouvrir pour ce monde avant un certain temps pour que l'on perde sa trace. »

Le silence à nouveau. La reine prit une gorgée de son verre, puis s'éclaircit la voix et se leva de son fauteuil. Automatiquement, Santiago fit de même, même s'il n'y avait pas été invité. Un affront, peut-être, mais il se doutait qu'elle n'en tiendrait pas rigueur. Elle le regarda, sans mot dire tout d'abord. « C'est donc la dernière fois que l'on se verra, Don ? Point avant plusieurs mois, votre Majesté, je le crains. » Il ne pouvait pas dire que le Cinquecento lui manquait. L'Espagne lui manquait, oui, ses confrères aussi, son clan au milieu des forêts, mais vivre ici l'étouffait et il se plaisait bien plus dans l'Hiver Perpétuel. Même la compagnie de ce vieux grincheux de Wendell lui était plus agréable que la vie dans son monde d'origine, c'était pour dire. Esperanza hocha la tête et retira une bague qu'elle portait à son fin annulaire – d'or, simple, un grenat monté sur celle-ci. Puis, elle détacha une fine chaîne qu'elle portait, du même or que la bague, et subitement, il comprit. Doucement, Santiago mit son genou au sol, baissa la tête et laissa la dame passer autour de son cou la chaîne pour l'attacher sur sa nuque. La bague ne pesait rien, autour de son cou, et seule sa chaleur traversait son vêtement. Les doigts de la reine firent glisser la chaîne et son pendentif à l'intérieur de son col, il en frissonna, et il osa seulement relever la tête lorsqu'elle s'écarta. Se relever, sans rien dire. « Merci de vos renseignements, Don Santiago. Votre aide m'est précieuse. »

Et le baiser sur ses lèvres, il le rêva probablement.
Au même titre qu'il rêva le parfum de ses cheveux, la caresse de ses mains sur son visage, puis son départ.
Il se rappelait seulement du poids de la bague cachée sous ses vêtements.