Aloooors ! Moi c'est Del' ou Delrya selon comment vous me connaissez ! J'aime Pullman mais je suis une hérétique : seulement le premier tome (*fuis en courant*) VIVE L'HIVER PERPETUEL ! Sinon, je suis généralement connectée limite H24 - la fac c'est coooool. Quant à savoir comment j'ai connu Boulga, c'est parti d'une folle. D'une histoire de sorcière ayant perdu sa fille. De "Maaaaiiiis viens jouer avec Fred et moi Ce sera cool " (Ronronnement à l'appui) et COMME JE SUIS FAIBLE, bah... J'ai craqué

J’aime la nuit.
La douceur de ses ombres qui se forment et s’étalent au gré d’une lumière fœtale. L’infinie quiétude qui se dégage de son silence. En son sein je me sens entière, apaisée. Sereine. Quand enfin s’achèvent le bruit et la fureur des hommes, pour laisser la place à ces instants paisibles qui transcendent la beauté de mon Nord tant aimé. Quand son odeur vient chatouiller mes narines, indéfinissable fragrance à la fraicheur inouïe qui vient emplir mes poumons d’un air des plus purs – ô la jouissance de le sentir se frayer un chemin en mon être. Quand la terre pulse d’un rythme nouveau, laissant de nouvelles vies s’éveiller sous le couvert de l’obscurité, promesse du retour proche du jour en un cycle éternel qui m’émeut chaque fois davantage.

Oui, la nuit est porteuse de promesse. Et devant le miracle sans cesse renouvelé de sa constance, mon cœur d’enfant s’émerveille. Une enfant, oui. Car à l’aube de mes vingt-sept hivers, il me semble avoir encore tant à découvrir… Pourtant, je sais les couleurs de l’aube et celles du crépuscule. L’infinité de la carte céleste qui déroule chaque soir la flamboyance de ses astres sur la voute des cieux. Le chant du vent et la caresse de son souffle sur ma peau. Je sais la beauté des paysages pris dans les neiges éternelles. L’exaltation du vol qui éveille en mon corps mille frissons de plaisir. Les plantes qui soignent et celles qui apportent la souffrance. Je sais la fierté de notre peuple et la grandeur de son histoire. Les clans qu’il faut craindre, ceux qui méritent notre respect et ceux qui bientôt ne seront plus, faibles qu’ils sont.

Oui, je sais tout cela. Et pourtant… Je ne sais rien. Car des hommes et du monde, mon âme est ignorante et avide d’apprendre. On les dit fous et inconstants, plein d’une fureur irrépressible. Et pourtant, je brûle de les connaitre. Jusqu’à ce jour je me suis tenue à l’écart, observant de loin leurs activités, sans jamais m’approcher de trop près. Mais ma soif de savoir est trop forte. Et si la douleur de m’éloigner de mes sœurs m’imprègne profondément, je ne peux plus contenir l’insatiable curiosité qui me tenaille. Ainsi en ai-je décidé au fil lascif de mes pensées, assise solitaire au faîte d’un arbre majestueux.

Et je te sens sceptique, ô Aloïs, compagnon de mes rêveries nocturnes, mon frère de chaque instant, ma moitié et mon tout. Je sens bien que tu es là, non loin, à profiter d’un léger courant ascendant qui te porte vers le ciel. Tout comme je sens ta désapprobation. Tu doutes, comme à chaque fois que je m’emporte et m’enthousiasme, toi la voix de la raison qui sans cesse modère mes ardeurs. Et peut-être es-tu dans le vrai quand tu m’assures que nous avons encore beaucoup à apprendre auprès des nôtres sans aller nous perdre au loin. Mais ne sens-tu pas, ô toi mon inséparable, ce désir de nouveauté qui pulse dans chaque parcelle de mon être ? Ce besoin de voir de nouveaux paysages qui vibre en mon âme ? Ne me freine pas… Pas ce soir, pas maintenant. Pas alors que j’ai tant besoin de ton approbation et de ton soutien. Sans toi, je me sais incapable d’entreprendre quoi que ce soir.
Je n’ai pas oublié, sais-tu ? La douleur intense qui m’a envahie quand il m’a fallu te quitter en cette froide nuit pour devenir sorcière et femme. La souffrance indéfinissable qui a pris pied dans tout mon corps tandis que je m’éloignais de toi, m’agrippant aux rochers et aux arbres pour contenir mon irrépressible envie de faire demi-tour pour te retrouver. Ces souvenirs sont demeurés aussi précis qu’au premier jour. De même que l’infini bonheur que j’avais eu à enfin te retrouver, en cet instant d’épuisement où je suis demeurée prostrée à même le sol, dans la neige et le froid, sanglotant en te serrant entre mes mains gelées. Oh oui, je m’en souviens… Et jamais plus je ne veux ressentir pareil désespoir. Accompagne-moi Aloïs. Sans toi pour m’aiguiller et me guider, je ne suis rien. Partons ensemble à la découverte de nouveaux horizons.

Ne me crois pas lasse de mon existence ici. J’aime profondément le grand nord qui m’a vu naitre. Je suis seulement… avide d’autre chose. Un jour, je demeurerais sage, ici, à défendre les intérêts de notre clan tout en enseignant aux jeunes générations. Mais… pas maintenant. Je suis trop jeune pour déjà m’enfermer dans un quelconque rôle. Je suis consciente, bien sûr, que ma mère souffrira de mon départ, elle qui craint tant de me perdre à nouveau après avoir été privée de mes premières années – les plus douces au cœur d’une mère. A cette seule pensée, mon cœur s’emplit d’une sombre colère tant le mensonge qui a entouré ma prime enfance me blesse encore, presque vingt années plus tard. Il n’est de crime plus horrible que d’arracher à une mère son enfant à peine né. Jamais je ne saurais pardonner telle ignominie à celle qu’un jour j’ai appelé « mère ». Seul le réconfort d’avoir retrouvé celle qui, réellement, m’a mise au monde, parvient à apaiser la soudaine violence de mes émotions. Mais pour autant, je ne puis rester à ses côtés toute ma vie durant. Les siècles de mon existence seront longs et ô combien je serais malheureuse de devoir demeurer en place.

D’enfant, je suis devenue femme. Mais toujours dans le giron de ma mère, protégée de son aile bienveillante. Hier encore, j’étais un fragile oisillon.
Demain, je volerai de mes propres ailes.