L'AUTORITÉ

L'Autorité est le nom donné au premier Ange jamais apparu. Il semblerait qu'il soit apparu avant tout autre être vivant. Naïf, il a cru que les mondes existants étaient sa création, et il s'est empressé de le dire aux autres anges qui apparaissaient petit à petit. Il leur a donc dit qu'il était le créateur, père des mondes parallèles et des créatures qui les peuplent. Cependant, en vérité, il n'est qu'un faux démiurge et un faux dieu : il n'a jamais rien créé de ses mains, il s'est simplement contenté d'observer et de s'émerveiller sur l'étendue de son "pouvoir". À ce titre, il s'est permis de donner des missions aux autres anges, et il a aussi cru bon de donner des tâches éternelles à certaines créatures. C'est notamment lui qui a ordonné aux harpies de la Plaine des Asphodèles de garder le Monde des Morts, et de rappeler aux défunts tout ce qu'ils avaient pu faire de mal.

La plupart des personnes vivant dans les différents mondes ont foi en une entité transcendante, créatrice de leur monde et de la vie. Cette entité est associée à l'Autorité, qu'on appelle aussi Dieu (à tort). Cependant, personne n'a jamais pu voir l'Autorité, qui a disparu depuis un certain temps, et n'avait de toute façon pas quitté son perchoir céleste depuis très longtemps.

Il y a environ quatre millénaires, l'Autorité s'est senti trop vieux pour continuer de porter le poids des mondes sur ses épaules de lumière, et il a décidé de déléguer une partie de sa puissance à un autre ange, Metatron. Celui-ci, devenu régent, est absolument inconnu de la plèbe environnante. Cependant, sa prise de pouvoir n'est pas passée inaperçue des institutions religieuses des différents mondes. En effet,une fois devenu régent, Metatron en a profité pour favoriser l'implantation de religions monothéïstes dans les différents mondes, religions qui lui permettent de mieux asseoir son pouvoir.

On peut aussi appeler "Autorité" une organisation contrôlée par l'Autorité (ange), composée essentiellement d'anges fidèles au premier ange et à Metatron. Ils ont aussi des sortes d'antennes parmi les humains, comme le Magisterium, l'Église de l'Hiver Perpétuel : comme d'autres antennes, le Magisterium agit et sert en partie l'Autorité (organisation).

LE MAGISTERIUM
ou l'Église de l'Hiver Perpétuel

Dans l'Hiver Perpétuel, il n'y a qu'une seule Église, qu'on nomme "Magisterium". Cette entité, fort puissante, a étendu son influence autant dans les sujets de société que dans l'éducation des jeunes. Cette puissance tacite et quotidienne s'explique notamment par l'absence de guerres de religion au début du dix-septième siècle dans l'Hiver Perpétuel.

En réalité, on ne parle ni de catholiques, ni de protestants, pour la simple et bonne raison que le schisme d'Odin entre ces deux courants de la pensée chrétienne n'a jamais eu lieu dans l'Hiver Perpétuel. Calvin, fondateur du protestantisme dans Odin, est devenu Pape dans l'Hiver Perpétuel, et le Magisterium a adopté de nombreuses idées qu'on qualifierait de "protestantes". Un des grands changements qu'a réalisé Calvin a été de déplacer le siège du Magisterium du Vatican, où elle était jusqu'au seizième siècle, à Genève. À la mort de John Calvin, en 1564, la Papauté fut abolie d'un commun accord, et le Magisterium devint une organisation religieuse beaucoup plus bureaucratique et décentralisée. Ainsi, le pouvoir se concentre certes à Genève lors des conciles, mais reste bien réparti entre les différentes grandes instances de l'organisation.

Le Magisterium est à la fois une organisation religieuse, politique et sociale de l'Hiver Perpétuel, et elle concentre les personnes les plus influentes de la société. Déterminant ce qui doit être enseigné et ce qui doit être censuré, le Magisterium contrôle désormais la plupart des gouvernements de l'Hiver Perpétuel, et n'hésite pas à recourir à la force pour faire plier des volontés contraires.
La difficulté du Magisterium réside dans sa division interne : non seulement la hiérarchie horizontale pousse les différents "gradés" de l'organisation à jouer des coudes pour se faire entendre, mais les responsables des différentes sections internes au Magisterium sont en concurrence. Dès lors, certains groupes du Magisterium gardent des informations et refusent de les communiquer aux autres, pour avoir l'exclusivité d'un renseignement et la possibilité de l'exploiter seul, au détriment des autres.

Trois organes internes au Magisterium se distinguent par leur prépondérance au sein de l'organisation : le Conseil Général de l'Oblation (dit aussi l'Oblation), la Société du Travail du Saint-Esprit, et la Cour Consistoriale de Discipline.
L'Oblation a pour mission d'éradiquer toute forme de péché originel. Ils opèrent hors des cathédrales, dans le monde laïc, et ont le droit de recourir à tous les moyens nécessaires pour atteindre leur but. C'est une branche tournée vers la Théologie expérimentale (nom de l'Hiver Perpétuel donné à la Physique), qui s'efforce de percer les mystères de l'Hiver Perpétuel. Ils soutiennent par exemple que c'est l'Autorité qui a créé le Monde, et sont depuis toujours à la recherche de preuves scientifiques. L'Oblation ne doit faire de rapport à personne, si ce n'est les gros pontes du Magisterium.
La Cour Consistoriale de Discipline est la branche disciplinaire du Magisterium. Ce sont eux qui s'occupent de tous les cas d'hérésie : ils s'assurent que les canons de la religion sont bien appliqués et n'hésitent pas à châtier quiconque y déroge, allant parfois jusqu'à brûler vifs les hérétiques. Les employés sont peu nombreux, et les responsables sont douze prêtres que l'on pourrait traiter de fanatiques tant ils sont virulents et intolérants. Pour eux, leur devoir est tout simple : il s'agit de s'assurer de la pureté du Magisterium. Ils font d'ailleurs partie des plus fermes opposants à l'entrée de femmes au sein du Magisterium.
La Société du Travail du Saint-Esprit est une branche du Magisterium qui s'intéresse de plus près aux manifestations naturelles de l'Autorité. Ils sont chargés d'étudier et d'analyser les hérésies les plus fréquentes et de les classer, pour assurer une surveillance accrue des groupes les plus dynamiques. Leur travail porte aussi sur l'étude des autres mondes, dont ils sont au courant et gardent férocement le secret : après tout, ce qu'ils étudient est considéré comme une hérésie par le Magisterium même.

Outre ces trois organes particulièrement influents, il existe quelques départements qui rendent des comptes à l'ensemble du Magisterium. Le département chargé de l'Espionnage enquête sur les hérétiques et communique ses informations à la Cour Consistoriale de Discipline, par exemple, mais il doit aussi renseigner l'Oblation et la Société du Travail sur les différents mondes existants, les menaces éventuelles. Le département des Relations Internationales dépend directement du Collège des Évêques (un quatrième organe qui voudrait devenir le chapeau hiérarchique du Magisterium mais peine à y arriver), et doit s'assurer de solutions diplomatiques lors de conflits entre différents empires de l'Hiver Perpétuel. Le département de l'Éducation s'intéresse aux établissements scolaires de l'Hiver Perpétuel et s'assure que les principes du Magisterium sont bien inculqués aux jeunes enfants ; il supervise aussi la sélection des nouveaux prêtres et leur ordination.

L'ÉGLISE VACILLANTE DE LA CÔTE ENSOLEILLÉE

Dans un monde où les enfants sont laissés à eux seuls, où les adultes se terrent dans les forêts en espérant ne jamais être repérés, où des créatures invisibles sont apparues et s'attaquent aux personnes qui ont atteint la puberté, la religion catholique a vacillé profondément. En fait, elle a vacillé en même temps que le prêtre qui avait sous sa responsabilité Cittagàzze, lorsqu'il s'est jeté du haut du clocher de l'église San Pietro.

Les enfants laissés à eux-mêmes n'ont plus d'éducation religieuse puisque les adultes, ceux qui auraient pu la leur faire, sont soit morts, soit planqués dans la forêt, loin des villes. Résultat, ils font des allusions à un répertoire polythéiste païen assez conséquent, du Dieu du papier-toilette au Dieu du beurre. Si le Padre Roberto était encore de ce monde, il châtierait sans doute tous ces petits blasphémateurs.

Quant aux adultes, ils ne savent plus tellement quoi penser de leurs heures de catéchisme : après tout, si Dieu existe bien, doivent-ils comprendre que ces créatures invisibles qui n'attaquent que les grands sont là pour les punir de leurs péchés passés ? Ou bien est-ce une punition de leur vanité ? Une purification du monde, pour assurer une vie meilleure aux enfants ? Nombreux sont ceux qui ont renié la religion en voyant que les prières n'aidaient en rien, et ils se contentent de pester régulièrement sur l'injustice de la situation. D'autres, enfin, se tournent vers d'autres textes sacrés et d'autres légendes, mais aucun ne semble trouver la réponse à leurs peurs et leurs souffrances. Peut-être finalement n'y a-t-il pas de réponse possible. Ou bien peut-être que les enfants sont leur seul espoir de survie.

L'ÉGLISE DANS LE CINQUENCENTO

La plus grande puissance de l'époque est la religion catholique, dûment contrôlée par l'Église et ses représentants, dont le Pape Paul V, dont la seule mention suffit généralement pour terroriser les habitants.

L'intervention cléricale s'étend à plusieurs champs de la vie sociale dans le Cinquecento. Dans ceux plus classiques, l'Église s'occupe d'éduquer les populations illettrées à l'adoration de leur seul et unique Dieu, mais impose également les taxes qui permettent de faire vivre sa religion, sans regard sur les richesses de chacun. La piété, ça se paie, une place au ciel, ça s'achète. Les lieux de culte sont donc constamment rafraîchis et les meilleurs peintres et architectes de l'Empire sont réquisitionnés pour embellir ces lieux destinés à l'adoration du dieu unique. Les représentants de l'Église ont également à leur portée leur propre armée, vouée à exterminer les civilisations païennes qui croient en d'autres divinités et refusent de se soumettre au bon sens. Alliées à celles de l'Empereur, ces forces armées permettent la conquête de nouveaux territoires, ainsi que le repeuplement de ceux-ci après qu'ils ont été nettoyés de la vermine. La sphère politique est également très prisée par le clergé, mais sous couverture. Plusieurs cardinaux sont des conseillers des têtes couronnés, puisque ceux-ci viennent se recueillir, et ils se permettent souvent de prendre des décisions qui avantagent leur profession de foi. Le pape Paul V est lui-même un grand ami de Guillermo, qui se fie toujours à son bon jugement. Oh, évidemment, il y a toujours des religieux qui se dévouent réellement à Dieu et ne s'abaissent pas à de telles pratiques, mais ils sont de plus en plus rares.

La preuve la plus flagrante de la suprématie de l'Église et de ses représentants est la chasse aux scientifiques qu'elle exerce. Il n'est pas rare que des chercheurs et explorateurs voient leur tête rouler parce qu'ils ont soit osé contester le régime en place, soit parce que leur génie va contre les théories religieuses. Il vaut donc mieux, pour tous ceux qui s'aventurent dans les recherches, ne pas trop développer, ou attribuer les illuminations à Dieu, quitte à devoir verser des redevances à l'Église. Les artistes se mettent également volontairement au service des religieux, pour rester dans leurs bonnes grâces et être bien payés.

CROYANCES MINEURES

Si les grandes religions sont très importantes dans les différents mondes, celles-ci n'ont pas pu freiner l'émergence de croyances mineures propres à certains peuples et certaines races. Ces croyances sont souvent le fruit d'une culture orale, préservée par les années, et se veulent aussi valables que celles priorisées par les gouvernements.

Les panserbjørne n'ont pas de réelle religion et ne croient pas non plus aux fadaises humaines. Cela dit, ils considèrent leur armure, qu'ils forgent eux-mêmes une seule fois dans leur vie, comme leur âme. Jamais un ours ne porterait l'armure d'un autre et jamais ils se contenteraient d'une armure d'un simple métal qui se couperait comme une feuille de papier : pour les humains de l'Hiver Perpétuel, ce serait l'équivalent de remplacer leur dæmon par un animal en peluche.
Les sorcières ont un attachement très fort à la nature et remarquent bien vite les signes de changement à la seule manière qu'a le vent de souffler. Elles respectent ce qui les entoure et chaque vie prise l'est pour une raison. La mort est quant à elle une figure joyeuse, dans leurs croyances. Quand leur jour sera venu, Yambe Akka viendra à elle, le visage souriant et la voix apaisante, pour les emmener avec elle là où les étoiles chantent.
Les gitans n'ont pas de religion et se contentent d'adopter celle du coin où ils s'installent, sans être pratiquants. L'Église elle-même a abandonné l'idée de les convertir et les laisse faire ce qu'ils veulent, sans pour autant les approuver. Cela dit, une tradition de pudeur entoure la mort. Celle-ci n'est jamais évoquée et fait figure de tabou ultime chez ce peuple libre.

Les chamans sont un cas à part, puisque les traditions changent selon les mondes. Ils accordent une grande importance aux signes de la nature, comme leurs cousines sorcières, et croient beaucoup à l'élévation de l'esprit. Devenir chaman est un long chemin spirituel, qui demande plusieurs années d'initiation. Ils organisent, pour des occasions spéciales, des cérémonies où diverses substances hallucinogènes sont consommées pour leur permettre de sortir de leur corps et de voir le destin de leur tribu.