Alors alors, ici c'est Lady Beard, Léna pour les intimes! Je miaule et j'aime le chocolat. Si on me gratte derrière l'oreille je ronronne, et si on me parle de Doctor Who ou de Sherlock je jouis. J'ai connu le projet sur Bazzart, mais c'est en voyant qu'une amie Clara (Edmund) allait s'y inscrire que je me suis décidée à la suivre. J'ai un emploi du temps chargé (je suis enseignante de français en Lituanie) et une connexion pourrie (là j'ai pas d'excuses...) mais j'essaie toujours d'avoir un strict minimum d'un RP par semaine, mais je peux parfois plus. Geronimo!

Cela faisait plus d'une heure qu'ils avaient décollé. Le ciel était clair, le vent glacial mais constant, et Gideon se sentait enfin se détendre, Lyia, son daëmon taupe, sortant peu à peu ses moustaches de sa poche. A ses côtés, Mrs Arlington vérifiait fréquemment la tension des cordages qui arnachaient la nacelle, et se penchait de temps à autres par-dessus bord pour inspecter ses ballons.
Une femme pilote! Lorsqu'ils étaient partis de Londres, Gideon n'avait pas la moindre confiance en elle. Peu importe qu'elle était une pilote expérimentée, peu importe qu'elle ait été la première à survoler la Tamise puis la Manche en avion, elle restait une femme, et son ballon n'avait rien de normal. Au lieu de la poche ovale des dirigeables, son ballon en avait trois sphériques, un grand au milieu entouré de deux plus petits, à l'avant et à l'arrière. Au lieu d'une seule hélice à propulsion, son appareil en avait cinq, une grande à l'arrière et deux plus petites à chaque bords. Et la nacelle était le summum du grotesque, ressemblant d'avantage à l'énorme coque d'un navire qu'au panier des habituelles montgolfières. Gideon n'avait cessé de s'étonner qu'un objet de cette taille puisse même voler sans jamais se détacher de ses sustenteurs... Il n'était qu'un linguiste ne s'étant jamais grandement intéressé à l'aéronautique, mais il avait fait des études et n'avait pas manqué de d'informer la pilote de tous les défauts que ses extravagances comportaient. Les frottements entre les ballons finiraient par les percer. Toutes ces hélices ne faisaient qu'ajouter du poids à l'appareil, les ralentissant et aggravant grandement le danger de chute. Ce a quoi Mrs Arlington n'avait rien répondu, lui ôtant simplement la pipe qu'il s'apprêtait à allumer de la bouche avant de la jeter par-dessus bord : "il est interdit de fumer à bord. Une étincelle et le gaz des ballons explose, monsieur le savant." Autant pour ses études... Le linguiste et la pilote ne s'étaient plus adressés la parole de tout le voyage...
...jusqu'à la tempête. Elle les avaient surpris une semaine plus tôt. Mrs Arlington s'était inquiétée de simples nuages lointains qu'elle souhaitait à tout prix éviter (les femmes et leurs angoisses). Mais les nuages blancs avaient caché des montagnes noires aux avalanches d'éclairs et aux rafales monstrueuses. Gideon avait alors bénit tour à tour chacune des extravagances salvatrices de la femme-pilote. Cet énorme nacelle pour commencer. Il s'était abrité sous le pont, dans la cale, où il s'était arnaché à la manière de ses nombreuses valises. Avec n'importe quel autre ballon, la nacelle se serait retournée cent fois, passant chargement et passagers par-dessus bord. Ici, il avait été à l'abri de la pluie te du vent, bien que ballotté sans pitié, dépassant de loin le pire de ses mal de mer. Après une embardée si violente que Gideon avait cru qu'ils avaient heurté le sol, il avait aperçu par le hublot le ballon se détacher et s'envoler dans la tempête. Il avait alors cédé à la panique, faisant ses prières et pensant à sa mère et sa soeur qu'il laisserait derrière lui, avant de se rappeler qu'il restait encore deux autres ballons. La tempête avait été si forte qu'il ne parvenait plus à distinguer le vol de la chute. Puis Mrs Arlington était descendue ruisselante de pluie, pour s'assurer que les valises et son passager étaient solidement arnachés. Elle même avait une corde nouée autour de la taille. "Je vais poser l'aérostat! " lui avit-elle crié par-dessus les hurlements du vent. "Vous êtes folle? Le vent nous écrasera contre le sol!!! Il faut attendre que la tempête passe!" "Le temps que cette tempête ne cesse, nous serons perdus au milieu de l'océan, monsieur le savant!! " lui avait-elle répondu avant de remonter sur le pont. Le vent avait continué de secouer le ballon en tous sens, jusqu'à ce que le sol apparaisse dans les interstices des nuages qui se prêtaient à une course effrénée. Alors un rugissement terrible avait figé Gideon. Les ballons avaient-ils explosés? Par le hublot, il avait alors vu les hélices de babord en mouvement, à pleine puissance, si rapide que les palles étaient à peine visibles. Elles parvenaient à s'opposer aux rafales de vent, transformant le ballon en formidable balançoire, mais lui donnant suffisamment de stabilité pour qu'il s'échoue sur la lande norvégienne dans un long raclement sourd, avant de s'affaler sur son côté.
De cette terrible tempête et de son violent atterrissage, l'aérostat n'avait gardé que peu de trace. Mrs. Alington avait travaillé sept jours durant, renforcant la coque là où le choc avait endommagé la nacelle, et les deux ballons restant étant de nouveau gonflés comme il se devait. La pilote avait ré-agencé les cordages qui arnachaient la nacelle, de telle sorte qu'elle avait de nouveau un axe horizontal. Pour un peu, on aurait presque cru que l'aérostat n'avait jamais eut que deux ballons.
Un hibou grand-duc vint se poser non loin de lui sur le bastingage. Son humaine ne tarda pas à en faire de même. "Nous avons fait le plus gros du voyage, nous attendrons Harstad avant la fin de la journée " "Bien" Gideon s'efforcait désormais d'être plus courtois envers son pilote. Il la voyait d'un autre point de vue depuis la tempête et ses sept jours de travail effréné, et souhaitait maintenant savoir ce qui se cachait derrière ses immenses lunettes, ce bonnet de cuir de mouton et ces mèches rousses. Il avait particulièrement noté son regard, aussi bleu que le ciel qu'ils traversaient, mais qui n'embrassait pas l'horizon comme la plupart des gens contemplant un paysage, dans son ensemble, perdu au loin... Ses yeux étaient vifs, toujours en mouvement, presque à l'affut, comme si elle cherchait quelque chose, quelqu'un dans ce monde devenu aussi petit qu'une carte étalée sur une table. "Cela fait longtemps que vous êtes chargée du ravitaillement de l'équipe?" finit par demander le linguiste a sa pilote. "C'est moi qui les ai amenés là-bas la première fois... Mais ils n'étaient que trois à l'époque. Liam, Dan, et Gregorian... " "Liam?" répéta Gideon. Ses directeurs l'avaient informé de l'identité de ses futurs collègues, dont le Dr Daniel Esther, responsable du camp de recherche et son fils Gregorian qui l'assistait dans son travail. Mais il ne se souvenait d'aucun Liam... "Quel poste occupe-t-il au camp?" Mrs. Arlington baissa le regard sur ses gants de cuir. "Il ne travaille plus au camp de recherche... Il est mort d'une pneumonie l'hiver dernier " Son visage restait impassible, mais sa voix s'était tendue, et son daëmon rentrait la tête dans ses plumes. "Vous le connaissiez bien?" osa lui demander Gideon. "Avec les années, j'ai fini par connaître toute l'équipe... Mais c'est moi qui ai du ramener le corps en Angleterre... " Gideon sentit Liya se blottir dans sa poche. Lui non plus n'aimait pas cette idée. Voler plus d'une semaine, seul dans l'immensité vide du ciel avec un cadavre à bord. Sa pilote avait sans doute encore plus de cran qu'il ne l'avait pensé après la tempête. Giedon avait toujours jugé les femmes trop sensibles et superstitieuses, mais Mrs. Arlington le détrompait. Le linguiste décida de changer de sujet.. "Si vous connaissez toute l'équipe, peut-être connaissez-vous mon futur partenaire, Mr Williams?" Mrs. Arlington se tourna vers lui, une lueur amusée dans son regard azur. "Vous allez travailler avec Rasoirs? Vous? " Gideon se sentit perdu. Pourquoi diable pensait-elle qu'ils travailleraient avec des rasoirs, les femmes y connaissaient-elles si peu en recherche? "J'utiliserais en effet des rasoirs, mais d'avantage pour ma toilette personnelle que pour mon tra..." "Ne faîtes pas cette tête Monsieur le Savant! "Rasoirs", c'est comme ça que l'équipe surnomme Williams." "Ah... Mais pourquoi donc?" Gideon avait été mal à l'aise de parler de son hygiène à une femme qui n'était pas la sienne, mais il était à présent encore plus mal à l'aise au fur et à mesure que Mrs Arlington lui parlait de l'équipe de ses futurs collègues. Avec quel psychopathe nommé "rasoirs" ses directeurs l'avaient-ils envoyé se perdre au fin fond de la Norvège? "Il travaille sur des gravures dans une caverne dans le fjord du camp. L'eau y est glacée en permanence, il travaille donc toujours en patin à glace, d'où son surnom." Gideon se sentit soulagé, en partie. "Oui, on m'a envoyé étudier ces gravures avec lui..." Bien qu'on ait omit de lui mentionner le patinage. Mrs. Arlington continua à lui parler du camp, de l'équipe et de ses membres jusqu'à la fin du voyage. Le soleil du Nord, toujours bas, glissait peu à peu vers l'horizon, dorant d'une lumière cuivrée les mèches rousses de la pilote.
A leur arrivée, les membres de l'équipe était sortis du camp pour les accueillir et les aider à décharger l'équipement et les provisions. Gideon connaissait à présent tout de ses membres, de leur histoire et de leur surnoms, les reconnaissant même à la description que lui avait fait sa pilote. Il fut soulagé de voir que malgré le froid cruel du climat, tous ses collègues étaient extrêmement chaleureux et plaisantaient déjà avec lui comme s'il était déjà l'un des leurs. Il avait l'impression de les avoir toujours connus. Mais au fur et à mesure que ses affaires étaient déchargées du ballon de Mrs. Arlington, Gideon sentit tout de même son coeur se serrer. Après avoir passé une semaine sur l'aérostat, il prenait soudain conscience qu'il ne le reverrait plus avant de longs mois d'isolement, ni sa pilote, seule présence féminine parmi cette équipe de nombreux savants masculins. Eux non plus n'avaient pas la moindre envie de la laisser repartir, mais de toutes les offres qui lui furent faites, certaines plus décentes que d'autres, elle n'accepta que l'eau-de-vie, et le déjeuner et les cigarettes avant de repartir.
A l'heure de départ, Gideon observa le ballon de Mrs Arlington s’éloigner dans les cieux, et resta longtemps après les autres membres de l'équipe, longtemps après que la neige n'ait imbibé ses chaussures, longtemps après que le froid ait pénétré ses vêtements. Il n'était que tôt dans l'après-midi, et pourtant le soleil rasait déjà l'horizon. Le linguiste espérait bientôt reprendre ce ballon, si possible pas entre quatre planche comme ce pauvre Liam... Alors qu'il retournait à l'intérieur de la tente conviviale, le linguiste entendit un souffle, comme un doux murmure chuchoté par un géant. Se retournant, Gideon aperçu au loin le ballon minuscule de Mrs Arlington contre le ciel crépusculaire, avant que celui-ci ne s'embrase d'un gigantesque rideaux de lumière émeraude. Le ciel était de nouveau lumineux comme le jour, mais frémissait d'une lumière vivante, mouvante, comme les reflets du soleil sur un ruisseau, mais aux mouvements plus lents, plus paisibles. Ses couleurs donnaient un aspect féerique au monde, la neige réverbérant cette lumière tout autour de lui, le baignant de magie. C'était la première fois que le savant observait la beauté fascinante d'une aurore boréale. Il aurait simplement souhaité être à bord du ballon pour la voir.


Béatrice sortit de son ancienne chambre, la porte derrière elle se refermant sur un bombardier en mouton laissé sur le dossier d'une chaise. Elle avait fait au plus vite, préférant se changer chez ses parents où la réception de Noël avait lieu, plutôt que chez elle, autant dire chez Edward. Elle avait pris le temps de prendre un bain, la transpiration et la poussière partant toujours facilement sous l'eau, mais sa veste et son bonnet laissant parfois une odeur de cuir que sa mère ne supportait pas. Après s'être séchée et parfumée, Béatrice s'était habillée, choisissant de ne pas mettre de corset. Cela choquerait sans doute les vieilles générations, mais les jeunes filles les plus au fait de la mode de Londres commençaient à s'en défaire, et Béatrice, bien que ne s’intéressant que peu à la mode, était ravie de ce changement de tenue. Elle n'avait jamais pu ni respirer ni manger dans ces instruments de torture, et rester assise était un supplice.Le matin même, sa mère lui avait offert trois magnifiques robes de soirée (s'assurant ainsi de la même manière que sa fille s'habillerait d'une manière digne de son rang.) L'une était bleu nuit, aux drapés sophistiqués élégamment relevés dans le creu des reins, au décolleté profond mais aux épaules et manches couvertes. Béatrice était persuadée qu'elle étoufferait de chaud dans cette robe, avec le nombre d'invités que son père avait réuni ce soir. La seconde robe était d'un vert émeraude, ne comportant presque aucun plis ni froufrous, mais qu'une superposition de dentelle et de perles venait enrichir. Les manches s'ouvraient largement au-dessus des coudes, et le décolleté était couvert d'un subtil voile de soie évocateur. La dernière robe était toute aussi magnifique, d'un pourpre profond et changeant, lui rappelant la couleur du ciel quelques minutes après la disparition du soleil. Mais Béatrice préférait le vert émeraude de l'aurore boréale qu'elle avait vu de son ballon deux jours plus tôt, une heure à peine après avoir déposé le savant au camp de Harstad. En l'enfilant, Béatrice découvrit a soie était légère et les manches aériennes, mais les perles pesaient plus lourd qu'elle ne l'aurait cru. Elle se serait bien passée de bijoux, trouvant que les perles attiraient suffisamment les regards, mais cela aurait été un manque à l'étiquette. Elle était fille de Lord et devait se parer comme telle. Elle avait donc relevé ses cheveux au-dessus de sa nuque et glissé dans sa coiffure un diadème de diamants blancs serti de cinq émeraudes. encadré de deux boucles d'oreilles serties de manière identique. Son sac contenant ses cigarettes et son briquet, ainsi qu'un mouchoir, était tout aussi précieux, du même vert que sa robe, décoré de perles.
Ainsi parée, Béatrice descendit le couloir vers le grand salon d'où lui parvenait le chant du piano et les conversations des invités. Sa mère l'accueillit devant les portes, un sourire lumineux aux lèvres, lui ouvrant des bras aimants. "Ma très chère petite fille!" Béatrice lui sourit et vint s'y blottir , respirant profondément le parfum qu'elle avait mit. Elle savait que sa mère s'était postée ici afin de procéder à une dernière inspection, mais elle savait également qu'elle l'aimait et pensait sincèrement le faire pour son bien. Sa mère donnait simplement beaucoup plus d'importance aux apparences qu'elle, voilà tout. "Tu as le parfum des champs d'Eden, ma chérie." lui murmura-t-elle à l'oreille. Bien! Elle était parvenue à couvrir l'odeur du cuir. Béatrice profita encore quelques secondes de l'étreinte maternelle puis les deux femmes entrèrent dans le salon. Celui-ci était comble. Les divans étaient couverts des robes des dames semblables a des bancs de fleurs, entourées des colonnes noires et sobres que formaient ces messieurs. Près de l'horloge se trouvaient quelques Lord du Parlement, mais son mari ne se trouvait heureusement pas parmi eux. Proches des tableaux, assises sur des chaises, se trouvaient des jeunes femmes autour de la vieille Mrs. Burry, qui n'avait jamais aussi bien porter son nom depuis qu'elle était devenue veuve. Elle se plaisait depuis à raconter encore et encore sa parfaite histoire d'amour aux jeunes filles qui ne se lassaient jamais de l'entendre, oubliant bien commodément de mentionner les nombreuses infidélités de son mari de son vivant. "Puis-je me permettre de vous souhaiter le joyeux noël, Mrs Burry? " la salua Béatrice, accompagnée de sa mère. Les jeunes filles levèrent des regards avides vers Béatrice, mais Mrs. Burry plissa ses yeux ridés. Elle faisait partie de ces nombreuses personnes jugeant qu'une femme pilote n'était pas respectable, et n’appréciait pas d'avantage Lady Carroll qui n'avait jamais cru aux mensonges mielleux que la vieille femme servait aux plus jeunes qu'elle. "Vous pouvez vous permettre." lui répondit Mrs Burry, se gardant bien de lui retourner la courtoisie. "Je suis ravie de vous voir parmi nous ce soir. Le noir vous sied toujours aussi bien." Mrs. Burry pinça ses lèvres. Béatrice n'entrait peut-être pas totalement dans le cadre de la haute société, mais elle savait jouer de ses règles. La veuvage n'était jamais une période décente pour fréquenter des fêtes, et la vieille femme s'en servait désormais d'avantage pour attirer la pitié et la compassion que pour montrer son deuil. Ce que Béatrice venait de pointer à tout le monde. "Fiez-vous à ma fille, très chère, elle a très bon goût." renchérit sa mère. Comprenez : même ma fille pilote est moins scandaleuse que vous.
Après avoir pris congés des jeunes filles et de leur aînée, les deux femmes se dirigèrent vers Lord Carroll. Il se trouvait près des fenêtres ouvertes, entouré de ses plus gros clients de l'aéronautique militaire et civile. Ils saluèrent tous Lady Carroll mais certains sa gardèrent d'en faire de même avec sa fille. Béatrice s'introduisait en effet dans un cerce d'hommes sans son mari. Mais la plupart la saluèrent d'un signe de tête ou lui souhaitèrent le joyeux noël. La haute société se divisait en deux groupes, en ce qui concernait Béatrice : ceux qui la prenaient de haut jugeant qu'elle tenait très mal son rôle de femme mariée, ou qui craignaient de fréquenter une personne ignorant si superbement les règles du tout-puissant Magisterium, et ceux qui se montraient agréable voire chaleureux envers elle, soit par admiration, par amour, ou encore par pure curiosité du scandale... "Joyeux noël, Béa." lui souhaita Lord Carroll en lui faisant un baise-main avant de la prendre dans ses bras. "Joyeux noël, Père." S'en suivi l'habituelle discussion qu'ils avaient chaque fois qu'elle revenait d'un voyage : quels mécanismes de son aérostat avaient été deffectueux, comment y avait-elle réagi et quels mécanismes s'étaient révélés les plus utiles.Les inventions de sa fille étaient nombreuses, mais Lord Carroll ne pouvait pas toutes les appliquer à ses dirigeables. Les finances exigeaient de faire un choix, et père et fille en discutaient à chacun de ses voyages, appliquant les nouveaux facteurs météorologiques, les spécificités du chargement et le parcours aérien. Les partenaires de Lord Carroll furent un moment surpris des connaissances de sa fille, avant de lui poser eux-même des questions concernant les particularités de leur domaines, la défense, le tourisme, l'espionnage...L'amiral était en train de lui exposer les nombreuses difficultés du vol silencieux quand Béatrice aperçu Edward, par-dessus son épaule, se dirigeant vers eux, saluant rapidement les invités qui l'accostaient. "Veuillez m'excuser." Laissant l'amiral au milieu de sa phrase, Béatrice se faufila derrière son père, sortant par la fenêtre sur le balcon extérieur.
Elle fut saisie par le froid de la nuit hivernale et regretta d'avoir mis une robe si légère. Alors que la voix d'Edward saluait son père, les invités puis sa mère à l'intérieur, Béatrice resserra son châle autour de ses épaules et pris de quoi allumer une cigarette dans son sac en perle. Soufflant une bouffée de fumée au ciel étoilé, Béatrice nota que si le temps persistait, les conditions seraient idéales pour remettre en vol son avion demain. Elle avait quelques idées d'amélioration qu'elle souhaitait mettre en pratique. Elle avait jusqu'à présent placé l'hélice de propulsion à l'arrière de l'avion, semblable a celle des dirigeables, mais l'avion était plus lourd, et elle se demandait si la force de la poussée n'ajoutait pas à ce poids. Elle souhaitait mettre l'hélice à l'avant, en l'inversant, transformant la propulsion en traction. Cela permettrait peut-être même de décoller d'une surface plane, et non plus de s'élancer du sommet d'une col... "Le docteur vous a pourtant dis que fumer diminuait nos chances d'avoir un enfant..." Béatrice jura intérieurement, levant les yeux au ciel... Elle ne pouvait pas lui échapper. Et rien ne l'exaspérait d'avantage que cette constante nécessité de faire des enfants. Elle tira une dernière bouffée de sa cigarette, presque finie, avant de l’écraser sous son soulier et de se tourner vers son mari. "Le médecin de ma mère m'a certifié que c'était à cause du manque d'oxygène en altitude. Il m'a recommandé d'arrêter de voler. Qui pensez-vous que je doive écouter?" Son ton était toujours aussi courtois et mesuré, mais son mari la connaissait suffisamment pour comprendre ce qu'elle en pensait vraiment."Celui qui paie le plus cher." dit Edward avec un sourire qui aurait été irrésistible s'il ne l'avait pas accompagné de cette remarque insupportablement suffisante. D'autant qu'il lui devait une partie de sa fortune. En tant que femme, son héritage et son salaire était la propriété de son mari. Tout l'argent que Béatrice gagnait dans ses expéditions à risque était directement versé sur le compte de son mari, et elle ne pouvait plus y avoir accès sans l'autorisation de monsieur. Edward s'approcha d'elle, et retira sa veste noire qu'il posa sur les épaules frissonnantes de sa femme. Béatrice se crispa. Si seulement il pouvait cesser de la traiter comme une petite chose fragile! Elle avait eut bien plus froid dans les ciels glacés du Grand Nord. Elle avait traversé des tempête, avait survécu a de formidables chutes en ballon ou en avion, ce n'était pas une petite brise du soir qui allait la faire fondre! "Mon plus grand réconfort! La veste de mon mari !" murmura-t-elle avec le sourire de la parfaite femme soumise, mais sifflant comme un serpent, resserrant la veste autour de ses épaules, la plissant de toute ses forces en espérant la déchirer. Je ne pense qu'à elle quand je survole la banquise islandaise! Pourrais-je vous l'emprunter quand..." "Taisez-vous." Et sans rien ajouter, Edward l'embrassait. Cachés de la société sur le balcon extérieur, il pouvait l'embrasser aussi fougueusement qu'il le souhaitait, l'immobilisant contre le mur glacé, lui faisant ressentir quelque chose que même la plus scandaleuse des filles de bonne famille avait honte de ressentir. Lorsqu'il s'éloigna enfin d'elle, Edward lui fit un sourire brûlant, conscient de l'effet qu'il avait sur elle. "Vous m'avez manquée, Mrs. Arlington. Je ne peux attendre de déballer mon cadeau de Noël." dit-il en la regardant avec éloquence. Béatrice sentit le rouge lui monter aux joues, se convainquant elle-même que c'était la colère. Si elle avait le pouvoir des mots sur lui, lui avait le pouvoir du corps. Cela la rendait folle. "Béa?" entendit-elle son père l'appeler de l'intérieur, lui donnant une raison pour s'échapper de la présence perturbante de son mari. Le bousculant pour l'éloigner d'elle et lui laisser la place de passer, Béatrice laissa tomber la veste de ses épaules sur le sol, ne jetant pas un regard de plus à Edward. Elle redoutait le moment où elle devrait rentrer avec lui ce soir... et une partie d'elle-même n'attendait que ça, bien qu'elle ne le reconnaîtrait jamais.